Nombreuses sont les décennies écoulées depuis la Chute de Sauron. Après le départ de Dame Galadriel et du Seigneur Elrond, mon père, vers les Terres Immortelles, de nombreux changements ont bouleversé les rares Elfes ayant décidé de rester sur ces terres. L'Alliance du Seigneur Celeborn et du Roi Thranduil a vu renaitre Eryn Lasgalen, celle que les hommes appelèrent un jour la Forêt Noire, et les derniers Elfes de la Lothlorien se sont déplacés vers la partie occidentale de ces bois. Mon frère et moi avons succédé à notre père à la tête de la cité cachée d'Imladris. Avec le soutien inestimable de notre grand-père maternel. Cependant, malgré l'éducation que nous a transmis notre père, nous ne serons jamais les seigneurs qu'il a pu être. Et avec la migration de la population de la Lorien, Imladris est devenu un sanctuaire bien trop isolé du reste des Elfes du continent.
Le cœur lourd d'abandonner une cité bâtie des mains de notre père, nous avons donc dirigé les rares elfes n'ayant pas suivi leur Seigneur dans son grand voyage de l'autre coté des montagnes, nous réunissant avec les nôtres.

Depuis, de nombreuses autres décennies sont passées. Et je ne tiens toujours pas en place, tiraillé entre la paix intérieure que me réclame mon sang d'elfe et l'impétuosité de mes jeunes années pas tout à fait enterrées encore. Le sang de Numenor règne aujourd'hui encore sur un royaume réunifié, connaissant une paix seulement ternie de temps à autres par quelques incursions d'orcs venus du Mordor. Oui, ces êtres existent encore. Hors du contrôle de Sauron, leur instinct combattif a laissé place à une société plutôt organisée en Mordor. Malgré la haine que je voue à ces créatures, Père m'a enseigné qu'on ne vaudrait pas mieux qu'elles à exécuter sans raison jusqu'au dernier représentant d'une race, aussi honnie soit-elle. Ceux qui quittent le Mordor en quête de sang frais, en revanche.. ne connaissent pas ma clémence.

Mon besoin de bouger m'emmène cependant loin de ces terres maudites, aujourd'hui. De l'autre coté des montagnes où vivent encore quelques clans de gobelins. Sur une terre sur laquelle je n'ai pas chevauché depuis des années, et dont je me souviens pourtant de chaque arbre, chaque rocher, et chaque entrée secrète. Le Gué de la Bruinen, aujourd'hui dépourvu des sortilèges de Vilya, franchi, je guide mon cheval entre les arbres, redécouvrant ces terres plus sauvages qu'à l'époque où les Elfes en prenaient soin. Une hésitation soudaine, une lâcheté sourde qui refuse de voir dans quel état se trouve ma cité natale aujourd'hui. vite oubliée comme je talonne de nouveau l'étalon sous ma selle, qui lui, découvre les lieux pour la première fois.

Je le laisse d'ailleurs à la porte de la cité, là où nous avons jadis accueilli nombre de visiteurs, parfois des plus inattendus, avant d'oser quelques pas, mon regard croisant chaque pierre, chaque branche, chaque oiseau s'envolant des terrasses oubliées. L'on dit que certains elfes se laissent mourir de la perte d'un arbre qui leur était cher. J'ignore si cela est vrai. Ce que je sais, c'est qu'à présent que je marche dans ce qui fut un foyer pour moi pendant de nombreux siècles, je ne peux empêcher le regret de l'avoir abandonnée de s'abattre sur moi. Et ce même si elle se trouve en meilleur état qu'espéré. La magie de mon père serait-elle encore en œuvre aujourd'hui? A moins que...

Percevant un bruit, une présence, qui ne ressemble en rien à celle d'un chevreuil, ma main se porte à mon arc, sur lequel une flèche se trouve placée la seconde suivante. Legolas et moi nous sommes longtemps disputé le titre de meilleur tireur de ces contrées. Voyons voir si je n'ai pas perdu la main.

"Qui va là? Sortez de l'ombre, que je vous voie."

Mon père et ma grand-mère sont partis. Quelques décennies plus tard suivit par mon grand-père; et aujourd'hui c'est mon époux qui vient de quitter ce monde. Lui n'a pas rejoint les Terres Immortels, il était mortel et n'avait pas ce droit. J'ai choisit de vivre ma vie comme lui, à ses côtés. J'ai renoncé à ce don qui m'a été offert à ma naissance, contrairement à mes frères qui eux ont décidés de vivre ainsi. C'est mon fils Eldarion qui règne sur le Gondor et l'Arnor depuis quelques mois. J'ai réfléchis et je me suis dit qu'il était temps pour moi de faire un dernier voyage.

Je décide de retourner chez moi, enfin mon ancien chez moi... Dans la forêt de Fondcombe. Je n'ai jamais osé y remettre les pieds depuis le départ de mon père. J'ai traversé les Terres du Milieu vers le nord. Je me suis arrêté non loin de la Comté, mais je suis restée au loin, j'ai voulu rester discrète et je ne voulais pas briser la tranquillité des hobbits, celle qu'ils chérissent tant. Je suis passée ensuite à Fangorn, là où les Ents ont repris vies et ont retrouvés de leur superbe avec les années. Oh ma route n'est pas rectiligne, mais je n'ai pas dans l'optique d'y arriver vite, mais de repasser par tout ses souvenirs qui se bousculent dans ma tête. Par contre j'évite Eryn Lasgalen, il y a bien des personnes que je ne souhaitent pas croiser, non parce que je ne les aime pas, bien au contraire, mais que je doute de pouvoir arriver à mes fins si j'étais amener à les croiser. Deux d'entre eux sauraient trouvés les mots, je le sais fort bien : ils sont ma chaire et mon sang ... mes frères ... Je revois leur visage, leur rire. Ils sont partie alors que j'étais encore jeune pour apprendre auprès du roi Thranduil, mais ils étaient revenus quelques fois chez nous au détour d'une aventure.

Après plusieurs semaines, je passe les portes principales, avant de descendre de cheval. Je retrouve la cité envahit par les herbes... la nature a toujours eu une place importante pour nous, mais là sans notre présence, elle a reprit ses droits. Mes yeux s'embuent de larmes. Mes doigts frôlent les pierres grises. Elles sont rugueuses et douces à la fois. Je me revois petite fille courir entre les personnes, plus tard je me revois avec mes frères qui m'apprennent à tirer à l'arc. Je me vois aussi lire et jouer de la harpe aux côtés de ma mère Celebrian. Elle aussi m'a quitté. Bien plus tôt que les autres. Elle me manque. Ils me manquent tous et cette peine, ce trou immense dans mon cœur n'est pourtant pas près de s'éteindre. Je suis mortelle, mais de très longues années m'attendent encore, c'est tout du moins ce que père m'a dit il y a bien longtemps.
Je fais le tour de la cité. A la nuit tombée, je m'arrête dans ma contemplation pour manger un peu de lembas. Je m'allonge ensuite sur ce qu'il reste d'un lit, mon lit.

A mon réveil, je continue ma ballade dans la cité, dans mes souvenirs. Je décide de rester un peu ici. Ce lieu apaise les peines. J'ignore combien de jours se sont écoulés, lorsque retentissent des sabots. Il y a un tel silence que même un nain les entendraient. Je me dirige vers l'entrée, là où mon père m'a accueillit il y a si longtemps alors que je partais vers les Terres Immortelles, avant d'avoir une vision d'un avenir possible avec Aragorn et de faire demi-tour. Une voix d'homme s'élève alors que j'arrive dans cette pièce. Je la reconnais bien vite, malgré le temps qui s'est écoulé depuis notre dernière rencontre. Je ne voulais pas le croiser et pourtant rien que de l'apercevoir mon cœur se réjouit déjà. Je le vois enfin de toute sa personne. Nous nous faisons face, les larmes de nouveau aux bords des yeux pour moi.

- Mon frère!

Que dire de plus ? Je reste sans voix, sans moyen de bouger, je suis paralysée sur le coup. Ça ne va pas durer bien longtemps, simplement le temps de réaliser qu'il est là devant moi et de lui sauter dans les bras. Les elfes sont plutôt connus pour leur caractère pondéré, mais avec mes frères je n'ai jamais su être pondéré. J'ai toujours pu m'exprimer si facilement avec eux. Je suis réellement heureuse qu'il soit là, malgré tout ce que j'ai pu me dire pour me convaincre de ne pas le croiser.

- Elrohir n'est-il pas avec toi ?

L'instinct qui me fait retarder ma flèche, attendant d'être en mesure d'identifier la personne arrivant face à moi avant de tirer, est à remercier. J'ai appris depuis bien des années à m'y fier, en toutes circonstances. Si Arwen a hérité de notre père d'un don de prémonition concret, Elrohir et moi avons appris à compter sur les pressentiments de l'un et l'instinct de l'autre. Des capacités ignorées par la plupart des gens, mais dont on prend soin quand on se trouve être le fils d'Elrond d'Imladris. C'est donc l'instinct qui me fait baisser mon arc, rendant ma flèche des plus inoffensives, lorsque je découvre que mon visiteur n'est nul autre que ma soeur.
Si les années à la tête d'Imladris - derrière moi depuis de nombreuses autres -, puis celles passées auprès de Thranduil et Celeborn m'ont rendu plus sage, cela ne m'empêche aucunement de répondre à l'enthousiasme d'une sœur depuis trop longtemps éloignée, l'entourant de mon bras désarmé sitôt arrivée à ma hauteur.

"Arwen!"

Je profite de ce moment seul à seul avec cette petite soeur que nous avons finalement bien peu vue au cours de notre vie, entre notre apprentissage en Forêt Noire, ses voyages en Lorien et nos propres chasses nous éloignant bien souvent d'Imladris. Je finis par m'écarter, l'observant, constatant que malgré la voie de la mortalité qu'elle a choisit de parcourir, elle est toujours aussi belle. Si on omet cette tristesse omniprésente dans son regard.

"Elrohir a souhaité rester en Eryn Lasgalen. j'imagine que la présence d'une certaine elfe y a contribué. Et non, je ne te demanderai pas combien de fois tu as hésité ces deux dernières minutes pour savoir lequel de nous deux se tenait face à toi."

Je lui offre un sourire amusé, appréciant l'expression soudaine naissant sur son visage à mes paroles. J'en profite pour remiser ma flèche dans mon carquois et mon arc à l'épaule, observant les alentours, épiant le moindre bruit qui m'indiquerait la présence d'autres individus autour de nous. Avant de lancer un regard désapprobateur à Arwen.

"Ne me dit pas que tu es venue seule jusqu'ici. Les Orcs sont peut-être moins nombreux que naguère, mais il y en a toujours pour ne pas comprendre que seul le Mordor leur est permis."

Je soupire, sachant d'ores et déjà ce qu'elle va me répondre. Non, je ne la considère pas plus faible que moi parce que c'est une femme. C'est d'ailleurs un terrain sur lequel je ne me serais pas risqué avec Tauriel. Cependant, j'ai déjà perdu ma mère par la faute de ces ignobles créatures. Je ne les laisserai pas emporter ma sœur également. Le Destin qu'elle s'est choisi nous l'enlèvera bien assez tôt de toute manière.

"Comment se portent mon neveu et mes nièces? L'offre que nous avions faite à Estel tient toujours, tu sais. Si Eldarion a besoin de nous, nous répondrons présents."

Il faut bien, à un moment donné, que près de trois millénaires d'expérience servent à quelque chose. Et, malgré nos efforts, nous peinons à nous faire une place dans l'armée de Thranduil. En oubliant le fait que Celeborn, notre grand-père, compte bien empêcher le roi de nous envoyer en première ligne comme de vulgaires fantassins, nous sommes plus efficaces à deux qu'au sein d'un groupe armé bien rangé. Malgré nos efforts, au final, nos raids sur les campements d'Orcs sont ce que nous faisons de mieux. Quand à la politique? Nous aidons parfois notre grand-père, qui nous a lui-même bien aidé après le départ de notre père. Mais Thranduil n'a pas besoin de notre aide pour gouverner un royaume qu'il possède depuis bien avant notre naissance. Et s'il se cherche un héritier depuis le départ de Legolas pour les Terres Immortelles? Je crois que notre fiasco à Imladris nous a mis hors course.

Il est là devant moi. Elladan. Oui j'ai mit quelques instant avant de savoir auquel des deux jumeaux j'avais à faire. Je ne saurais vous dire ce qui fait la différence hormis l'arc qu'il porte derrière lui, mais c'est là bien présent, un tout petit rien qui fait la différence. Nous nous prenons dans les bras, il répond d'ailleurs à cela et je l'en remercie. Moi qui n'est pas voulu m'arrêter, pour ne pas les croiser, l'un ou l'autre et le voilà ici devant moi en cet instant. Il m'explique que notre frère est resté là où il l'a laissé pour les beaux yeux d'une elfe. Je souris à cela. Mon frère se trouvait une femme ? J'ignore si j'aurais l'occasion de voir cela avec les années qu'il me reste de vie. Avoir des neveux et nièces, que se soit par l'un ou l'autre de mes frères, je n'y crois guère, je demande à voir.

- Oh je n'ai quasiment pas hésité, tu es mauvaise langue.

J'insiste sur le "quasi", avant de sourire de plus belle. Je n'ai pas rit depuis un moment, mais ça c'est déjà un exploit pour moi.

- Tu peux te vanter de m'avoir bien eu, je ne t'avais pas vu venir ici. Je suis contente que tu l'ai fait.

A croire que mes dons de voyance ont été fortement impacté par mon humeur maussade de ces derniers mois. Déjà que je n'ai pas le talent de mon père alors si en plus faut contrôler tout le temps ses émotions, je ne suis pas prête d'y arriver … et vu le temps qu'il me reste je n'y crois pas désormais.
Contente de le voir ? Oui malgré ma volonté de ne pas m'arrêter à Lasgalen pour ne pas les laisser me dévier de mon objectif, je suis contente d'avoir pu le voir avant la fin, ma fin. Je ne compte pas repartir d'ici, mais ça il peut toujours rêver pour que je le lui dise.

- Je connais ces terres mieux que ces monstres. Ne t'inquiète pas pour moi. Regarde je suis là!

J'avoue que j'avais dans l'idée de le faire moi même entre ces murs, mais bon l'aide d'un orque ne se refusait pas non plus… Mais je m'égarais. Mes pensées étaient bien trop sombres pour un tel jour. Tout cela pouvait bien attendre un peu.

- Je ne suis peut-être pas aussi doué que vous deux à l'épée et au tir à l'arc, mais je sais me défendre grand frère. J'ai eu de bons maîtres.

Lors de nos rare moment ensemble lors de notre enfance, ils m'ont apprit tout ce que je sais aujourd'hui pour me défendre. Ils peuvent en être fiers. Mon père, lui s'en ai fait quelque cheveux blancs, mais tant pis. J'avais besoin de ça, de montrer que je pouvais servir mon peuple, le protéger ne serait-ce qu'un temps…
Il évoque ensuite l'offre qu'il avait jadis faite à Estel, Aragorn et explique qu'elle est toujours d'actualité si mon fils venait a en avoir besoin un jour. "Et bien mon frère, il te faudra parler de cette offre directement avec lui."

- Il acceptera votre proposition je le sais. En espérant qu'elle soit utile le plus tard possible. Nous avons déjà connu bien assez de guerre.

Je suis las de tout cela, de ce monde. Sans mon amour, je ne suis plus rien. j'aime mes enfants bien sur, mais ils sont grand maintenant, ils n'ont plus besoin de moi, non ? J'aime à le croire en tout cas.

- Oh ils vont tous très bien. Ellonel espère avoir bientôt un enfant et je ne me fais pas de soucis pour elle à ce sujet. Eldarion cherche sa promise dans toutes les jeunes femmes qu'il croise.

Je ne peux m'empêche de rire à cette dernière remarque. Rire bref, mais bien présent. Je retrouve un peu de couleur à parler avec mon frère, cela me fait du bien.

Je lui offre un sourire amusé en réponse à son déni mal excusé. Nous avons bien assez souvent joué de notre ressemblance aux dépens de notre sœur au cours des années, pour qu'elle n'ai pas la facilité de nos parents à nous reconnaitre.

"Une bonne demi-seconde quand même. Laisse moi cette petite victoire."

Sa déclaration suivante me surprend. Du moins, dans le contexte actuel. Fut un temps où Elrohir et moi étions si souvent sur les routes, si peu souvent deux jours au même endroit, qu'il aurait fallu la plus grande concentration pour notre père lui-même pour prévoir notre prochain déplacement. Ces derniers temps en revanche, notre temps se trouve davantage partagé entre la Lorien et Eryn Lasgalen pour dire que nous nous sommes presque sédentarisés. Néanmoins, je comprend aisément que Arwen ai eu d'autres préoccupations que de se demander où iraient ses frères.

"J'ai eu plus de 2800ans pour apprendre à échapper aux visions de notre Père. Je sais aisément échapper aux tiennes."

Une déclaration sans aucun fondement, mais cela parait être une excuse acceptable. L'inquiétude à son égard combat cependant la joie de la revoir, et c'est un regard plus grave que je porte sur elle lorsqu'elle me répond qu'elle connait ces terres mieux que les orcs.

"D'autres ont pensé cela avant toi, ma sœur. Et je suis moi-même loin de pouvoir affirmer n'avoir jamais gouté à la pointe de leurs flèches..."

Seulement, à l'époque, il y avait en ces terres quelque chose qui n'y est plus aujourd'hui. La certitude que quoi qu'il arrive, Père nous remettrait sur pied. Une certitude assez forte pour que nous ne nous préoccupions pas plus que cela d'une flèche orque - certainement empoisonnée d'ailleurs - ayant traversé notre armure. Nos chevaux savaient nous ramener en ces lieux quoiqu'il advienne.

"Je le sais bien, mais cela ne m'empêchera pas de m'inquiéter pour toi quoiqu'il advienne. C'est mon rôle."

Arwen me parle de ses enfants, mes neveu et nièces, et je l'écoute, content que l'un de nous ai pu avoir ce que chaque elfe attend dans sa vie. Pour ma part? J'attends encore de trouver la bonne personne, même si, pour être honnête, je ne la cherche pas vraiment.

"Je t'accompagnerai bien, au retour. Histoire de les voir. Il y a si longtemps que j'ignore si les plus jeunes se rappellent de leurs oncles."

- Je te l'accorde!

Dis je avec ce même sourire qu'il a toujours pu voir sur mon visage. Sa réponse par rapport à mes visions ne m'enlève pas le moins du monde ce sourire. Bien sur que je ne suis pas nos parents, je ne le serais jamais, je n'ai pas non plus le talent de mon père avec ses visions, je ne le cherche pas d'ailleurs, mais je suis contente qu'il me compare à lui dans un sens.
Pourtant en parlant d'orques je le perds tout à fait. Je ne doute pas qu'il y en est dans les parages, mais disons que ça ne me dérange pas bien au contraire… Je préférais en finir de leur main, en les combattant que de la mienne, mais passons.

- Disons que j'ai eu de la chance ! Et puis maintenant tu es avec moi! ... Oui je sais bien cela et je ne t'en remercierais jamais assez.

J'avais déjà perdu mon sourire en évoquant des orques et heureusement sinon il aurait trouvé mon changement de comportement étrange après sa dernière phrase. Voir ses neveux et nièces, me raccompagner. Mais mon cher frère, je ne compte pas rentrer. Sauf que ça je suis bien incapable de le lui dire. C'était censé être un aller simple, y avait pas de billet retour. Quoi faire, quoi dire ?

- J'en suis persuadée. Ils seront ravis de te revoir.  

C'est la stricte vérité de toute façon. Quand à moi et bien, nous verrions sur le moment. Je ne ferais jamais ce que je prévue en présence de mon frère, c'est hors de question, je ne lui imposerais as ça, mais je ne veux pas non plus le faire une fois après avoir revu mes enfants ... ça n'était pas du tout censé se passer comme ça. J'ignore quoi faire, mais pour l'instant je vais profiter de mon grand-frère.

- Allons nous promener! Tu vas voir tout a bien changé ici, avec le départ de père.

"Nous croiser est ce que nous avons toujours fait de mieux, toi et moi. Je ne compte plus les fois où nos chevaux ont marché ensemble alors que nous venions de directions opposées."

Si j'aime ma sœur, nous ne partageons pas ce lien unique que je partage avec Elrohir. Et pourtant, nous savons bien souvent nous trouver, nous aussi. A savoir si c'est elle qui voit où nous allons ou nous qui devinons son prochain mouvement, je crois que c'est une question à laquelle seuls nos parents auraient la réponse.

Je ressens l'émotion dans sa voix lorsque nous évoquons ses enfants, mais la place sur le fait que penser à eux lui fasse penser à un absent qui ne devrait pas l'être. Pardon, Aragorn a eu une vie bien remplie, et particulièrement longue, même pour un Dunadan, mais en comparaison de nos propres existences, ce fut bien trop court. Bref, malgré le chagrin qui m'accablait à l'époque, j'ai pu voir notre père faire face au départ de notre mère, et je dois dire que je ne l'ai sans doute pas aidé à le faire. Et présentement, c'est la même émotion que je devine au fond des yeux bleus de ma sœur.

"Arwen, tu s..."

Elle change soudainement de sujet, me proposant de nous promener au coeur de cette cité qui nous a vu naitre et grandir, et qui aujourd'hui, n'est plus que l'ombre d'elle-même. J'acquiesce en silence, lui proposant mon bras pour l'accompagner, nos pas se mêlant pour bientôt prendre le même rythme.

"Elrohir et moi avons taché de conserver son lustre, durant quelques décennies. Celeborn nous a bien aidé, en cela. Mais nous restions une poignée à peine. La proposition de Thranduil de rallier Eryn Lasgalen a paru être la plus sage pour tous. Alors nous l'avons laissée s'endormir. Une part de moi regrette de n'avoir pas su préserver l'héritage de notre père. Une autre se dit que cette cité a été bâtie par lui, et se devait de ne pas lui survivre."

Oh oui si il y a bien quelque chose pour laquelle nous avons toujours été forts tous les trois c'est pour nous retrouver ou comme il le dit si bien nous croiser. Nous n'avons fait que ça de toute notre vie.
Il allait soudain dire quelque chose de très sérieux cela se lisait sur son visage, mais j'ai eu la présence d'esprit ( je m'en féliciterais plus tard) de l'interrompre. Ca n'a rien de très élégant je vous l'accorde, mais j'avais besoin d'air dans cette discussion, mais en réalité aussi, je peinais a respirer, de l'air devait rentrer dans mes poumons sans tarder.

Je prends ce bras qu'il me tend et nous prenons vite le même rythme. J'ai les larmes aux bords des yeux, mais rien qui ne sort.

- Oui je comprends tout à fait! Je m'en veux aujourd'hui, de ne pas avoir été là pour vous, pour cette cité à ce moment là. J'ai été si égoïste. Je n'ai pensé qu'à moi.

Le rouge me monte aux joues. Un peu de vie dans ce corps qui ne ressent plus rien depuis ce soir là où il m'a quitté.
Ma main libre frôle les pierres noircies, les branches et la mousse qui a poussé un peu partout. Ca ne l'a rend pas moins belle, elle a simplement vieillit. Cela me rappelle ce que disait père : "Le temps des elfes est révolu."

- Pourquoi êtes vous resté tous les deux ? Je n'avais plus ma place sur Aman, mais aux dernières nouvelles ce n'était pas votre cas. Je n'ai jamais osé posé la question à notre grand père, mais à toi je peux la poser!

J'ai relevé mon regard vers lui en lui demandant ça et je ne le baisserais pas. Je sais qu'on dit d'eux qu'ils ont plus de sang humains que de sang elfique dans les veines, mais ils n'ont jamais été très clairs sur le sujet, ils ont même tout fait pour l'éviter si ma mémoire est bonne.

Nos pas en cette cité que nous avons tant parcourue enfants sont guidés par l'instinct, et je ne prête guère attention à la destination finale de cette marche dans laquelle Arwen m'a suivi, sa main bientôt posée sur mon bras, nos foulées se rejoignant comme elles pouvaient le faire jadis.

"Il n'y a pas à parler d'égoïsme quand on parle de bonheur. Et puis, le Gondor y a gagné une reine telle qu'il ne pouvait en espérer. Après la guerre qui a ravagé ces terres, le peuple avait besoin de cet espoir. Père disait "Ónen i-Estel Edain". J'ignore s'il savait à quel point il disait vrai."

Je considère que chacun d'entre nous, à sa manière, a servi ces terres à sa juste mesure. Même si ce n'était certainement pas de cette façon que notre père voyait notre rôle en Terre du Milieu dans nos jeunes années. Et sans doute voyait-il Arwen diriger un autre royaume.

Sa question me laisse à réfléchir un instant, et je prend le temps de m'asseoir sur le rebord du balcon sur lequel nous sommes arrivés, levant finalement le regard pour croiser le sien, qui ne m'a semble-t-il pas quitté depuis que cette question a été posée.

"Père nous a toujours appris que Aman était une terre de paix. J'ignore si j'aurai su être en paix avec moi-même si j'étais parti avant d'avoir accompli tout ce qu'il me reste à faire sur cette terre-ci. Et si je dois en mourir... je préfère avoir des remords plutôt que des regrets."

En ce qui concerne Celeborn? J'ignore les raisons de sa présence, surtout alors que Galadriel a pris la mer depuis plusieurs décennies déjà. Mais j'imagine que comme nous, il a jugé n'avoir pas fini ce qu'il avait à accomplir sur ces terres. Et en vérité, le Quatrième Age ne serait pas celui qu'il est aujourd'hui s'il n'en avait pas fait partie. Son alliance avec Thranduil a permis de pacifier une large partie du Rhovanion en plus d'offrir un sanctuaire plus sur que jamais aux derniers elfes qui y vivent.